En 1986, Ulrich Beck avertissait que la Société du risque manifestait une tendance au totalitarisme « légitime » de la défense contre les dangers. La démocratie devrait-elle donc céder le pas à un nouveau despotisme éclairé des experts et des scientifiques ?
Avec la pandémie, la notion de « modèle scientifique » était partout. Ces modèles devaient simultanément dire le vrai sur ce qui était, démontrer ce qui allait être et, par conséquent, nous instruire à agir de la meilleure manière. Vérité scientifique, principe politique et règle morale, le « modèle scientifique » passait pour un savoir universel chargé d'expliquer les dangers, de prévenir les risques et de réunifier l'humanité dans la guerre contre le mal. Nous avons donc voulu nous entretenir avec une spécialiste des modèles scientifiques sur les usages et mésusages des modèles en sciences et en politique.
En été 2022, le sociologue allemand Heinz Bude publiait un article sur son activité de consultant pour le ministère de l'Intérieur allemand. Dès mars 2020, un petit groupe d'experts travaillait à des recommandations pratiques sur comment faire passer la décision politique du confinement auprès de la population. Contrairement au discours politique, ce fut donc la « science » qui suivait et servait la politique, et non l'inverse.
Dans la pensée du philosophe politique américain Sheldon Wolin, le « totalitarisme inversé » désigne un système politique original, qui ne relève ni de la démocratie, ni du totalitarisme historique. Ce serait le système politique qui s'est mis en place dans l'après-11 septembre (2001).
Dans le contexte du critère de démarcation entre « vraies » et « fausses » sciences, Karl Popper proposait la notion de la « théorie conspirationniste de la société », pour la distinguer des « sciences » de la société.
Par-delà le débat actuel sur les conceptions juridiques et philosophiques – utilitariste et rétributiviste, tournées vers l’avenir et la rééducation pour la première et vers le passé et l’expiation pour la seconde –, Fassin rappelle également « la part maudite » voilée, qui se cache derrière les discussions sur le châtiment.
Les discours de certains médias semblent parfois recourir à des techniques de manipulation caractéristiques des régimes dictatoriaux. Avec l'exemple d'un entretien sur les positions politiques de Sahra Wagenknecht, diffusé sur la radio publique allemande, il est possible de retracer les procédés classiques de la « décomposition » (Zersetzung), pratiqués dans l'ex-RDA.
La théorie du déséquilibre neurochimique était la manière dont l’industrie pharmaceutique formulait, dès les années 1990, son discours publicitaire à l'adresse des spécialistes et des clients, offrant une fausse explication simple, aisée à comprendre et convaincante.
Barbara Stiegler et François Alla relisent la pandémie dans une perspective critique sur la conviction de base de la nouvelle « économie comportementale » : le retard constitutif de l'être humain ...
Le peuple n'est pas susceptible d'idées claires et surtout, il est trop divisé dans sa bêtise. C'est pourquoi la démocratie demande des décideurs publics et privés qui mettent la canaille au pas de ce que les experts reconnaissent comme « intérêt commun ».
La psychologie des foules et ses imitateurs contemporains se targuent de la même posture élitiste qui nourrit le mépris intellectuel du populisme : les classes populaires sont bêtes, irrationnelles et donc vulnérables à toute forme de manipulation.
Le ›machiavélisme‹ – hypothèse – reposerait sur une lecture moralisatrice de certains passages du Prince qui n’a pas pu, ou pas voulu (peut-être du fait des traductions) tenir compte de l’originalité de la pensée politique de Machiavel.